L’anti-activisme : Marie

Je pense que ce rapport entre le mystère du Christ et le mystère de Marie […] est très important en notre temps d’activisme où la mentalité occidentale s’est développée jusqu’à l’extrême. Car dans le monde actuel de l’esprit, seul prévaut encore le principe masculin : le faire, l’œuvre, l’activité qui peut elle-même projeter et produire le monde, qui ne veut pas attendre quelque chose dont elle serait ensuite dépendante, mais qui fait tout dépendre de son propre vouloir. Ce n’est pas, me semble-t-il, un hasard si, dans notre mentalité occidentale, masculine, nous avons de plus en plus séparé le Christ de sa mère, sans comprendre que Marie en tant que mère pourrait, théologiquement et pour la foi, signifier quelque chose. Tout le genre de notre rapport avec l’Église est marqué par là. Nous la traitons presque comme un produit technique que nous voulons projeter et fabriquer grâce à notre perspicacité et à notre dépense inouïe d’énergies ; et nous nous étonnons si alors intervient ce que saint Louis-Marie Grignon de Montfort a remarqué, d’après un mot du prophète Aggée : « vous avez semé beaucoup mais peu engrangé » chap 1, 6. Quand le faire se rend autonome, les choses qui ne sont pas à faire, mais sont vivantes et veulent mûrir, ne subsistent plus.

Il faut donc que nous échappions à cette exclusivité des perspectives occidentales et activistes pour ne pas dégrader l’Église en un produit de notre activité de projet et de création. L’Église n’est pas un produit fabriqué mais la semence vivante de Dieu qui veut croître et mûrir. C’est pourquoi l’Église a besoin du mystère marial, et elle est elle-même mystère marial.

Cardinal Joseph Ratzinger, Marie, première Église, Médiaspaul, Paris, 1998, pp. 12-13.