Le retour de Ponce Pilate

Le retour de Ponce Pilate : l’Église provoquée au courage

On n’a pas oublié qui est Ponce Pilate. C’est un homme intelligent, professionnellement compétent et soucieux d’être un bon fonctionnaire. Il est clairvoyant, sensible au bien, désireux d’être juste. Mais il est faible, versatile, opportuniste. Il parle le langage d’un juge honnête et d’un homme de devoir. Mais se laissant conseiller par le désir de plaire, il va de concession en concession et devient finalement un homme méprisable et malfaisant. Dans le secret de sa conscience, il estimait Jésus de Nazareth. Il le savait innocent. Il eût été content d’arriver à le sauver. Mais il a peur de l’impopularité. Alors il hésite, tergiverse, essaie de gagner du temps, prend des faux-fuyants. Il fait châtier Jésus. Toutefois, en mettant ainsi le doigt dans l’engrenage de l’injustice et du mal, il y passera tout entier. D’abandon en abandon, il est amené à libérer Barabbas le brigand et à faire crucifier « l’Innocent » qui dérange. Et il s’en lave les mains.

Ponce Pilate ne risque-t-il pas de revenir ? N’est-il pas déjà parmi nous ? On le trouve dans tous les pays et dans tous les camps, partout où « l’Innocent » continue à déranger.

Beaucoup d’hommes sont devenus semblables à Ponce Pilate, des hommes comme lui capables d’influence, comme lui intelligents, pleins de bonnes intentions, désireux de bien faire et qui n’ont pas peur de parler ou d’agir quand cela ne comporte aucun risque. Mais lorsqu’il s’agit de faire un choix difficile, de redresser une situation, ils cherchent comme Pilate des alibis. Ils se disent que, pour garder de l’influence, il faut savoir faire des concessions ; il ne faut pas déplaire même à ceux qui ont tords. Ils appellent patience ce que d’autres appellent faiblesse et lâcheté. […] Il ne faudrait pas oublier qu’en fin de compte le Christ « doux et humble » a été un grand lutteur. C’est avec vigueur qu’il a combattu l’abus des richesses, la duplicité des pharisiens, les méfaits du formalisme. La vie tout entière du Christ – comme celle des prophètes – fut un risque permanent, un témoignage courageux, et c’est à cause de cela qu’on le mit à mort, comme les prophètes.

Tandis que ceux qui imitent Ponce Pilate cherchent avant tout à se protéger. Mais comme Ponce Pilate ils trahissent… et s’en lavent les mains.

En beaucoup d’entre nous, Ponce Pilate renaît à certains moments. Parce qu’il est confortable d’être superficiel ou parce que nous avons peur, nous refusons de reconnaître la multiplicité des niveaux que nous portons en nous et de rejoindre courageusement cette profondeur de la conscience où l’on découvre le Chemin exigeant vers la Vérité et la Vie.

Le procès du Christ continue. Il doit nous empêcher de dormir.

Pour ceux dont la vocation est d’être des relais de l’enseignement des apôtres, le moment est venu de prendre particulièrement à cœur l’exhortation solennelle adressée par l’apôtre Paul à son disciple Timothée :

« Devant Dieu, et devant le Christ Jésus qui va juger les vivants et les morts, je t’en conjure, au nom de sa Manifestation et de son Règne : proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire. Un temps viendra où les gens ne supporteront plus l’enseignement de la saine doctrine ; mais, au gré de leurs caprices, ils iront se chercher une foule de maîtres pour calmer leur démangeaison d’entendre du nouveau. Ils refuseront d’entendre la vérité pour se tourner vers des récits mythologiques. Mais toi, en toute chose garde la mesure, supporte la souffrance, fais ton travail d’évangélisateur, accomplis jusqu’au bout ton ministère » (2 Timothée 4, 1-5).

Source : Léon Arthur ELCHINGER, Le retour de Ponce Pilate. L’Église provoquée au courage, Fayard, 1975, pp. 15-16.

Un commentaire sur « Le retour de Ponce Pilate »

  1. Bonjour,
    Votre article « le retour de Ponce Pilate » m’intéresse pour la rédaction de mon sixième livre. Voudriez-vous m’autoriser à le citer avec vos références ? Merci.
    Dieu vous bénisse.
    Béatrice Malleron

    J’aime

Laisser un commentaire